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La Chine s’attaque à la grosse puissance

Qui pouvait croire il y a encore peu de temps qu’il puisse fleurir autant de gros tracteurs sur un marché toujours très demandeur de motoculteurs et de petits tracteurs bon marché? Le pied au plancher, la Chine expérimente la forte puissance depuis une quinzaine d’années. Avec le Lovol P9000 et le Liugong LT3604, elle s’illustrait encore récemment sur des salons agricoles, ce même jusqu’en Russie.

Nous avons depuis le milieu des années 2000 croisé un certain nombre de dirigeants d’entreprises, enthousiastes à l’idée d’aller participer à la mécanisation d’un marché jugé comme le nouvel eldorado. Outils basiques, peu larges et économiques, donc faciles à produire en quantité… des outils de travail du sol essentiellement, sans intelligence particulière qui étaient fabriqués jadis dans nos contrées. Il était d’ailleurs prévu de les produire en Chine, au sein d’usines élaborées et/ou acquises, afin de matriser parfaitement le coût de revient grâce à une main d’oeuvre bon marché. Boulimique, la Chine consomme du volume, pléthore de tracteurs et d’outils basiques, sans vraiment se préoccuper de l’accastillage en cabine, de l’efficacité des systèmes de guidage, voire de la télémétrie ou plus encore du confort des machines motorisées. 

Les giga-poids lourds chinois, groupes industriels dont le business-plan n’a semble-t’il aucunes limites, emploient plusieurs centaines de milliers de salariés et réalisent des chiffres d’affaires dépassant parfois les 50 milliards de dollars, toutes activités confondues, à l’image de Sinomach (plus connu pour sa marque Yto et le rachat en 2011 de l’usine McCormick de St Dizier). Car s’ils ont pour coutume de proposer des automobiles, des avions, des autobus, camions, engins de TP, même des réacteurs nucléaires, ou des armes (..) ceux-ci ont tous une activité agricole en parallèle, avec la production de tracteurs et autres outils agricoles. L’évolution des attentes en terme de performances et, accessoirement de confort agite ces colosses de l’industrie qui ont, pour répondre à une demande exponentielle, le choix du développement interne. Longue, couteuse et complexe, cette solution qui vise à trouver en interne, via un service de Recherche & Développement, des réponses à cette demande. Mais, alléchés par la technologie déployée au-delà des murailles du pays, certains industriels aux gros capitaux vont choisir le développement externe comme accélérateur en absorbant d’une façon ou d’une autre un savoir-faire qui a déjà fait ses preuves ailleurs et est industriellement reproduisible en local. On pense forcément à Sinomach Yto, qui investissait à Saint Dizier en Haute Marne, pour – sur le papier – faire perdurer le site industriel ex-McCormick. Et dans la réalité, rapatrier d’anciens moules de transmissions en Chine. Enfin, il faut aussi compter sur le coup de pouce de quelques entreprises européennes et américaines qui investissent en Chine afin d’accompagner ces besoins de mécanisation. C’est le cas de Cummins, qui après plus de 30 ans de coopération avec la Chine s’est installé en 2012 dans la région de Guangxi, dans le sud du pays afin de produire annuellement près de 50.000 moteurs diesel, dont des gros 6 cylindres de 9 litres destinés au BTP, et désormais l’agriculture. 

La guerre en Ukraine n’est elle aussi pas étrangère à ce coup d’accélérateur, puisque le soutien indéfectible de Pékin à Moscou a renforcé les relations et permis à nombre de constructeurs chinois, notamment du BTP et des agroéquipements à venir participer aux évènements professionnels en Russie, en lieu et place des firmes occidentales. Ces derniers ayant pour un grand nombre déserté le marché. Les constructeurs russes, qui depuis la chute du mur de Berlin ont connu des hauts et surtout des bas connaissent depuis plusieurs années un regain d’activité avec une production de machines agricoles de +49% à la veille de la guerre ukrainienne. L’évènement et les sanctions occidentales à l’égard de la Russie ont amplifié cette tendance et stimulé l’agriculture russe. En quête d’auto-suffisance, l’état a alloué une enveloppe colossale à son industrie, qui profite d’abord aux marques locales, réinvestissant dans l’urgence dans leurs outils industriels, mais également les pays partenaires du Kremlin. Pour croquer la part du gâteau, la Chine sait que ses petits tracteurs basiques et économiques ne suffiront pas, et s’est donnée pour mission d’accélérer le développement de produits dimensionnés pour les grandes plaines du nord du pays, du Kazakhstan, mais également de Russie. Elle présentait lors du CIAME, l’Exposition internationale des machines agricoles de Wuhan en octobre dernier plusieurs engins de gros calibre. 

Chez Foton Lovol, un tracteur articulé est équipé d’un moteur Weichai-Lovol (Weichai Power est une entreprise d’état chinoise créée en 2002). Il s’agit d’un six cylindres développant 450 chevaux et serait le premier modèle de la prochaine série P9000. La transmission à 18 vitesses avant et 12 arrière pourrait être intervertie avec un module CVT à variation de vitesse continue si l’on en croit les quelques maigres informations collectées. On parle d’un débit hydraulique de 270 l/min (mais l’histoire ne dit pas s’il s’agit du débit maximal), qui peut atteindre 428 l/min sur un Case IH Steiger ou New Holland T9, dont le design semble très fortement inspiré. Le réservoir de carburant aurait une capacité de 1.000 litres. 

On peut aussi citer la présentation d’un tracteur de 340 chevaux (ndlr: seul le modèle réduit était présent à Agritechnica 2023), cette fois-ci à châssis rigide et roues inégales, le P3404-8V. Il est animé par un moteur Weichai de 9,5 litres associé à une transmission CVT dont nous ne connaissons pas l’origine. L’engin pèse 13,7 tonnes, délivrerait 190 l/min et atteint 40 km/h. 

70 ans après l’apparition du premier tracteur articulé agricole, conçu sur la base d’une chargeuse américaine Wagner, Liugong Agricultural Machinery présente le même type de conversion. L’entreprise spécialisée dans le construction d’engins de BTP, dont des chargeuses articulées lourdes a en effet inversé le poste de pilotage de l’une de ses machines et remplacé le bras de chargement par un relevage. L’engin chaussé de pneus agricoles Armour 710/70R38 et baptisé LT3604 est animé par le 6 cylindres L9 Guangxi Cummins. Il développe 360 chevaux et reprend une construction déjà connue sur des générations commercialisées par le passé. Notez la carrure imposante du capot de chargeuse, qui nuit fortement à la visibilité et la position du relevage arrière, qui n’a pas été intégré dans la structure du demi-châssis arrière. A la vue des quelques images sur le web chinois, l’engin semble bien empoté avec une charrue portée. Au delà d’un rayon de braquage titanesque, son contrôle d’effort semble peu réactif. Liugong a également présenté le LT3504 de 350 chevaux à châssis rigide et architecture conventionnelle.

Le premier gros tracteur fabriqué en Asie se nomme Sinoway. Conçu en 2010, cet engin articulé de 185 chevaux était destiné aux plaines fertiles du nord de la Chine. Capable de produire environ 100 unités par an, l’usine souhaitait dans un premier temps se concentrer sur les marchés asiatiques, russes et d’Amérique du sud. Le Sinoway 1854 repose sur quatre roues motrices 18.4r34 et un châssis articulé autorisant une répartition des masses de 58% à l’avant et 42% à l’arrière. Coté motorisation, il dispose d’un D6114 six cylindres diesel fabriqué par la Shanghai Diesel Engine Limited Company reposant sur une technologie d’origine Cummins. La cabine « Luxury » est climatisée et dispose d’un poste de conduite on ne peut plus simple. La boîte de vitesse est mécanique et dispose de 16 rapports avant et 4 arrière. Le tracteur dispose d’un relevage de catégorie 3 d’une capacité de levage de 3,6 tonnes, de 2 distributeurs et d’une prise de force 540 et 1000 tr/min. Proposé pour les marchés russe, chinois et d’Amérique du sud, ce tracteur se caractérisait en outre par des tarifs attractifs, avoisinant 57.800 $ (42.400 € hors frais de port) et livrable de 30 à 40 jours après commande, garanti un an à compter du jour de livraison.

Second modèle a avoir été présenté il y a déjà années en arrière, le Kat 4404 de Xuzhou, animé par un 6 cylindres Weichai Power turbo, donc d’origine chinoise. D’une puissance de 440 chevaux, il est accouplé à une boîte 24×14 à passages synchronisés et permet de circuler à une vitesse maximale de 36 km/h. La pompe hydraulique ne délivre que 250 lm/min et le relevage lève 9,4 tonnes. Ce tracteur est commercialisé depuis plusieurs années sur les marchés chinois, kazakhs et désormais en Russie où il est régulièrement exposé.

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