En 1963, John Deere entrait dans le domaine de la motoculture de plaisance avec son premier tracteur de jardin, le 110.
Depuis lors, la gamme de produits destinée aux particuliers et professionnels n’a cessé de grossir et comprend désormais un choix parmi les plus complets du marché. Un marché qui a aussi été particulièrement malmené par des productions low-cost et commercialisées massivement par la grande distribution. John Deere joue dans un tout autre registre avec des appareils techniques conçus pour durer, un réseau et un service de proximité.
Le début de l’aventure
Tout commence à la fin des années 50. Alors que les ingénieurs John Deere sont dans les derniers préparatifs du renouveau de la marque avec la “New Generation”, plusieurs concessionnaires agricoles de la marque sont approchés par des fabricants de matériel de plaisance en quête de nouveaux revendeurs. Parmi eux, Cub Cadet, la jeune marque spécialisée du concurrent International Harvester agace la direction de Moline, qui n’accepte pas de voir son réseau se tâcher d’une autre couleur que le vert et jaune réglementaire. John Deere n’est toutefois pas présent sur ce marché et ne peut imposer à son réseau d’écarter des marques qui ne sont, de prime abord pas concurrentes. A force d’être inquiétée par le comportement de son réseau, la direction prend la décision d’orienter quelques-uns de ses ingénieurs sur l’élaboration d’un petit tracteur compact, polyvalent et qui devra être un vrai John Deere, avec une conception robuste et un design en adéquation avec la nouvelle génération de tracteurs agricoles.
C’est au sein de l’usine John Deere Van Brunt, fraîchement renommée John Deere Horicon dans le Wisconsin que débute la production. L’usine y fabriquait des semoirs, déchaumeurs à disques et autres outils de travail du sol développés par les frères Van Brunt avant d’être rachetée par John Deere en 1911. C’est ici que tout va démarrer pour l’activité espaces verts et qui verra naître la plupart des matériels dédiés aux particuliers et espaces verts, y compris le porteur Gator. En 20 ans, Horicon a d’ailleurs produit 1 million de tondeuses John Deere, essentiellement pour le marché américain, très juteux. Le cap des 5 millions de tondeuses sera même dépassé en 2010.
Une enquête menée auprès des concessionnaires démontre un soutien fort pour que le projet 110, ce qui motive considérablement la direction à raccourcir les échéances. Si Horicon pouvait concevoir, tester et débuter la production du premier tracteur de jardin en juillet 1963, alors le projet serait validé. Les ingénieurs, concepteurs, spécialistes du marketing et revendeurs John Deere étaient prêts à le lancer à l’été 1963, comme cela avait été planifié. Les objectifs de ventes sont établis à Horicon en mai, avec le premier modèle de production 110, numéro de série 02551, achevé le 27 juin 1963. Un millier de tracteurs est construit entre juin et août de la même année pour être vendus immédiatement chez les concessionnaires du nord-est des États-Unis. Le 110 fait un tabac malgré un prix coquet de 1.150 dollars de base, soit près de 20 à 30% plus cher que la concurrence.
Un design reconnaissable entre tous
Le 110 suit les traces de la New Generation, tant par son nouveau style audacieux, son confort que de la prise en main très simple. La publicité tant dans la presse généraliste que professionnelle aide à établir la connexion avec les clients, même si visuellement, il n’y avait aucune erreur sur l’entreprise derrière. C’est bien un John Deere. Les «lignes révèlent son pedigree» notaient les premières publicités.
On doit son style à un homme, Henry Dreyfuss, le célèbre designer industriel qui a dessiné pour la première fois les tracteurs John Deere en 1937, avec le modèle B et qui a dirigé la conception de la gamme New Generation, lancée en 1960 avec les 1010, 2010, 3010, 4010 et 5010. Le 110 s’inscrit dans cette lignée avec son capot arrondi et sa grande calandre verticale. D’ailleurs, le 10 de 110 ne correspond pas à la puissance du tracteur, limitée à 7 chevaux mais à la série 10. Il se positionne donc comme le plus petit tracteur John Deere dans les années 60. Il était disponible en deux versions: le modèle standard 110 avec une transmission mécanique avec trois vitesses avant et une vitesse arrière; et un 110 Deluxe, doté d’un variateur de vitesse.
Le 110 comportait également des caractéristiques de sécurité inédites dans ce domaine, y compris le système de démarrage. La fonction exigeait que le levier de vitesses du tracteur soit au point mort et que le plateau de tonte soit désengagé avant que le moteur ne puisse démarrer. Avec le 110, John Deere met la barre haute face à la concurrence et propose une gamme complète d’outils allant de la fraise à neige, la lame frontale, le cultivateur à dents animé ou encore la charrue. S’il n’est disponible qu’en deux roues motrices, le 110 est chaussé soit de pneumatiques au profil gazon peu agressif ou agraire, pour les travaux de traction. Des chaînes viennent apporter de la motricité lorsqu’il est utilisé au déneigement.
Photos d’un John Deere 110 Round Fenders de 1964 entièrement restauré et mis en vente par Mecum Auctions
Le 110 arrive en Europe
En 1968, le premier 110 baptisé “round fenders” en raison de ses ailes rondes laisse place à la seconde génération. Ses ailes sont plus enveloppantes et protègent mieux le conducteur des projections de terre et de gazon, mais lui évitent surtout de se faire happer malencontreusement au travail par les pneumatiques. La calandre évolue et peut recevoir en option de phares et un moteur plus puissant fait son apparition avec le monocylindre Kohler 390 cc de 10 chevaux. Des équipements qui vont faire monter la note pour ce tracteur, pas vraiment bon marché. Le tarif ne peut pas être impacté davantage par les coûts de transport, jugés trop élevés pour commercialiser ce modèle en Europe. Toutefois, le réseau européen de la marque se sent vraiment lésé et aimerait pouvoir profiter de ce petit tracteur. John Deere commence à chercher des solutions, et ce sera par l’une des usines CCM qu’elle sera trouvée.
En 1959, les marques Rousseau, Thiébaud et Rémy, tous des constructeurs français d’outils attelés se réunissent pour former la Compagnie Continentale de Motoculture (CCM). En avril 1960, John Deere rachète ce regroupement, et la CCM devient alors la Compagnie Française John Deere. L’américain fera de l’usine Remy à Senonches en Eure et Loir la nurserie des nouvelles tondeuses vers la fin des années 60, dont la 110 de seconde génération sera le premier modèle produit. Senonches continue d’accompagner la demande et produira l’essentiel des tondeuses autoportées John Deere destinées à l’Europe, hormis quelques modèles tels que le 70, distribué par le réseau Staub. L’usine de Senonches ferme en 1985, obligeant l’usine de Horicon dans le Wisconsin a reprendre la main pour assurer la distribution en Europe, malgré les frais de transport.
Le dernier des Mohicans
Le John Deere 110 est resté au catalogue pendant 11 ans et aura connu une évolution notable avec l’arrivée de grandes ailes en 1968, marquant également son début de fabrication en France. En 1965, il était l’un des 10 produits à recevoir le prix d’excellence pour son design industriel lors d’une foire industrielle et d’un congrès à Los Angeles. Un design unique dans cet univers concurrentiel qui a permis à John Deere de s’imposer au fil des générations comme l’un des spécialistes en la matière. Confronté comme ses concurrents directs, tels que Massey Ferguson, Cub Cadet (IH), Simplicity, White, Wheel Horse, Roper (..) et à une profusion de tondeuses bas de gamme essentiellement vendues par la grande distribution, John Deere ne se réoriente pas dans cette direction et continue de miser sur la qualité alors que d’autres vont se retirer du marché. John Deere fait un choix stratégique de se positionner comme un constructeur Premium dans le domaine de l’espaces verts et d’offrir des machines durables et bien pensées. John Deere est d’ailleurs encore aujourd’hui le seul fabricant de matériel agricole nord-américain qui produit ses propres tondeuses autoportées et ne passe pas par un sous-traitant.
Le 110 au cinéma
Fiche technique John Deere 110:
Fabrication | Première génération (Round Fenders) de 1963 à 1967 et seconde génération avec ailes enveloppantes (1968 à 1974) |
Prix de vente USA | 1.115 dollars (de base, round fenders avec plateau de coupe 38″) |
Usines | Horicon (Wisconsin) / Senonches (France) dès la seconde génération |
Moteur(s) | Kohler 277cc 1 cylindre essence 4 temps de 7 chevaux (1963 à 1967) / Kohler 305cc 1 cylindre essence 4 temps de 8 chevaux (1963 à 1974) / Kohler 390 cc 1 cylindre essence 4 temps de 10 chevaux (1968 à 1974) |
Refroidissement moteur | par air |
Transmission | 3 ou 4 vitesses avant x 1 arrière type mécanique Peerless par courroie d’avancement / hydrostatique dès 1968 |
Motricité | 2 roues motrices |
Capacité de carburant | 7,2 litres |
Circuit électrique | 12 Volt |
Direction | manuelle sans assistance |
Freins | manuels |
Empattement | 1,11 m |
Longueur | 1,6 m |
Largeur (sans plateau) | 0,87 m |
Hauteur au volant | 0,98 m |
Poids à l’expédition (avec plateau) | 249 kg |
Pneumatiques avant | 4.80/4.00-8 (agraire) / 16×6.50-8 (gazon) |
Pneumatiques arrière | 6-12 (agraire) / 8-12 (gazon) |
Accessoires | Plateau de tonte 38 pouces (98 cm) ou 42 pouces (106 cm), 47 pouces (116 cm) Fraise à neige 36 pouces, lame à neige frontale, charrue, cultivateur rotatif animé,… |
Numéros de série | |
1963 | 2550 |
1964 | 3551 |
1965 | 15001 |
1966 | 40001 |
1967 | 65001 |
1968 | 100001 |
1969 | 130001 |
1970 | 160000 |
1971 | 185001 |
1972 | 250001 |
1973 | 272001 |
1974 | 310001 |
Bonjour à tous,
je possède un JD 110 qui fonctionne du tonnerre… cependant j’ai une fuite au niveau du pont arrière. Je suis donc à la recherche de bague de sortie de pont assurant l’étanchéité dans les trompettes. Savez-vous par hasard où je serai susceptible d’en trouver?
cordialement
Willy
Passionnant…. Merckiiiii pour cet article aussi documenté !!!
Un grand merci pour ton commentaire Françoise. A bientôt 😉
Génial je veux d’autres sujets de ce genre.
C’est souvent le temps qui nous manque, mais on va essayer d’en faire plus régulièrement.
Merci
super reportage. j’adore. je me rend compte que je connaissais mal jd
je ne regarderai pas les tondeuses jd pareille quand je vais changer la mienne (une husqvarna) tu m’as presque donner envie
J’avoue que j’y connais rien en tondeuse mais c’est assez drole de decouvrir cette histoire. Mathieu t’aurais du ouvrir petit tracteur passion lol
No comment Thesub67 😉
Les marques de tondeuses, notamment américaines ou allemandes ont toutes une histoire intéressante liée à l’agriculture, l’automobile ou à l’armement. Les parallèles avec nos tracteurs agricoles sont vite établis.