Fini les gros tracteurs chenillés capables d’emmener d’interminables charrues non commercialisables. Aujourd’hui, pour battre des records d’endurance, le conducteur cède sa place à l’Intelligence Artificielle.
On les croyait enterrés pour de bon, ces records d’endurance, exploits d’un temps qui semble révolu et qui au tournant des années 2000 faisait plus de bruit sur les moquettes du SIMA qu’au sein des grandes étendues du Sud Ouest, là où ils se tenaient à l’abri des regards. Mode démodée ou simplement un nouveau défi matériel désormais insurmontable au regard de ce qu’a réalisé en 2005 le dernier compétiteur en date (voir ci-contre). Toujours est-il que vingt ans après, personne n’a pu rectifier la page dédiée aux records de labour dans le World Guinness Record, ouvrage qui officialise chaque année des exploits au niveau international.
© Gregoire Besson
Plutôt que de réécrire l’histoire, AgXeed avait en octobre 2024 ouvert un nouveau chapitre en réalisant un nouveau record du monde avec la plus grande surface ensemencée (lire l’article), cette fois-ci sans conducteur. Bienvenue dans le monde d’après! Et cette fois-ci, le néerlandais s’est attaqué à la sacro-sainte charrue – outil qui révèle bien des talents.
Pas de terres humifères pour faciliter le travail, pas de parcelles circulaires pour gagner du temps grâce à l’absence de manoeuvres. Le nouveau défi que se sont donnés AgXeed et Kverneland permet surtout de démontrer qu’avec du matériel de série et dans des conditions normales, chaque agriculteur peut lui aussi réaliser un exploit, celui de labourer en continu et pour la première fois, sans chauffeur. Les organisateurs ont choisi Birch Farm, à Stonegrave, dans le Yorkshire du Nord (Angleterre) plutôt que les terres noires des Landes ou du Médoc. La charrue Kverneland LO 300/85 à cinq corps a été attelée au robot AgBot 5.115T2 du fabricant néerlandais AgXeed.
Une fois les réglages effectués, puis cartographié la limite du champ et planifié les tâches avec séquençage des fourrières, le top départ fût donné. L’ensemble a ouvert des sillons de 40 cm de largeur et d’une profondeur de 22,5 cm. Le propriétaires des lieux espérant implanter ses maïs et des betteraves fourragères par la suite. L’AgBot, un robot autonome sur chenilles en caoutchouc affiche la modeste puissance de 156 ch, soit 409 de moins que le Quadtrac détenteur du précédent record d’endurance. D’un poids de 7 tonnes, il a été lesté d’1,5 tonnes à l’avant pour mieux adhérer et surtout améliorer l’équilibre avec la charrue portée. Il a atteint des vitesses d’avancement de 5,6 km/h à 8 km/h sur terrain vallonné, ralentissant uniquement pour effectuer les manœuvres en bout de champ.
A l’issue des 24 heures de labour, l’appareil s’immobilise. 20,8 hectares ont été labourés. Certes, on est bien loin des 321 hectares retournés par la Gregoire Besson 20 corps, mais il s’agit une nouvelle fois de démontrer qu’il est possible de réaliser un travail harassant avec le minimum de matériel… et sans main d’oeuvre. La télémétrie de l’AgBot a par ailleurs confirmé que la consommation de carburant du groupe motopropulseur diesel-électrique s’élevait à 382,72 litres sur 24 heures, soit une consommation de 18,4 litres/ha.
« Nous sommes ravis de participer à cette révolution technologique et ravis d’avoir réussi cette première mondiale », a déclaré Adam Burt, spécialiste produits pour les charrues chez Kverneland UK. « L’association de la charrue Kverneland LO et de l’AgBot a permis d’atteindre un rendement qui aurait nécessité deux jours de travail à un opérateur utilisant un tracteur de puissance similaire tirant une charrue à cinq corps », a-t-il ajouté.
